Le 27 janvier, la Cour Internationale de Justice de La Haye - plus haute juridiction des Nations Unies – devra rentre son verdict sur la ligne de démarcation de la frontière maritime entre le Chili et le Pérou.
D’où vient ce conflit ?
En 1997, le Chili
ratifie la convention sur le Droit de la mer et remet aux Nations Unies sa
carte nautique. Sur cette carte, le Chili fait apparaitre une frontière maritime
avec le Pérou selon le concept de parallélisme à l’Equateur (voir carte
ci-dessous) se basant sur l’existence de deux traités :
- la déclaration de Zone maritime de 1952 : signée entre le Chili, le Pérou et l’Equateur qui confirme que ligne parallèle à l’Equateur est la délimitation maritime.
- la convention de Zone spéciale de 1954 : les mêmes pays signent cette convention qui établie une zone de tolérance de 10 milles nautique et confirme la délimitation maritime sur la ligne parallèle à l’Equateur.
Le Pérou fait
immédiatement parvenir au Chili une note diplomatique qui rejette le contour
des limites présentées. En 2004, le Pérou insiste : les deux pays n’ont
pas célébré de traité limitrophe. En 2005, le Congrès péruvien, à l’unanimité
de ses membres, approuve des limites maritimes basées sur le concept de
l’équidistance (voir carte ci-dessous). Cette carte nautique est à son tour,
immédiatement rejetée par le Chili. En mai 2007, le Pérou inscrit à l’ONU la
ligne de base de son Domaine maritime selon la ligne d’équidistance.
Inacceptable répond le Chili.
Estimant qu’il était
difficile de sortir de l’impasse, le Pérou dépose, le 16 janvier 2008, une demande de définition des limites maritimes
devant la Cour internationale de Justice (CIJ) de La Haye, en vertu du pacte de
Bogotá de 1948 par lequel les deux pays reconnaissent la CIJ comme seul et
unique arbitre d’un tel différend. C’est cette décision qui est attendue depuis
6 ans.
Tandis que le Pérou préconise l’instauration d’une
frontière perpendiculaire à la côte du Pacifique au niveau de la frontière
continentale, le Chili préfère que celle-ci soit parallèle à la ligne
équatoriale.
Quel est l’enjeu
de cette frontière maritime ?
Le conflit
repose sur une zone de pêche de 68 000 m², riches en ressources. Les deux pays
y ont de forts intérêts économiques.
Les arguments
de chaque partie
Arguments chilien :
- Les limites terrestres entre le Pérou et le Chili ont été établies en 1929 et la frontière maritime en 1952 par un traité tripartite Pérou-Chili-Equateur ;
- La Déclaration de Santiago de 1952 définissait pour les trois pays, la zone maritime de 200 milles, déclaration perfectionnée en 1954 ;
- La Déclaration de 1952 a toujours été considérée comme un traité. Les limites actuelles ont d’ailleurs toujours été respectées par le Pérou jusqu’à aujourd’hui ;
- La ligne de démarcation part de la Borne 1 (Hito 1) située à 220 m à l’intérieur de ses terres et part vers la haute mer en suivant le parallèle 18°21’23″.
- Le Pérou n’a pas pu démontrer que les accords de 52 et 54 n’étaient que des accords sur la pêche.
Arguments péruviens :
- La déclaration de Zone maritime de 1952 et la convention de Zone spéciale de 1954 ne sont pas des traités de limites frontalières mais des accords de délimitation de zones de pêche ;
- La délimitation maritime doit se faire selon le principe d’équité et d’équidistance à partir du point de rencontre sur la côte entre les deux pays, dit point de la Concorde, et non de la Borne 1 (Hito 1) à l’intérieur du Chili ;
- La limite maritime doit s’éloigner en mer comme une ligne bisectrice (oblique) séparant équitablement la mer jusqu’à la limite des 200 milles marins ;
- Souveraineté péruvienne sur la zone de 25.000 km2 que le Chili considère comme haute mer ;
- Le Chili n’a pas pu démontrer quand et où un pacte de limites maritimes aurait été signé.
Que se
passera-t-il après la décision de la CIJ ?
Les deux pays se sont
publiquement engagés (et ré-engagés plusieurs fois) à respecter la décision de
la Cour.
Il faut donc attendre
cette décision ! Plus qu’une semaine…
Certains experts
parlent de la création d’une « Zone Maritime de Participation ou d’Usage
Bilatéral » qui diviserait les eaux des deux Etats et créerait ainsi une
zone commune pour la pêche, l’exploitation des ressources par les bateaux
à la fois chiliens et péruviens d’un tonnage défini, comme l’ont institué par
traité l’Argentine et l’Uruguay afin de délimiter leurs eaux territoriales
respectives. De plus, une telle alternative offrirait aux deux pays la
possibilité d’explorer et de bénéficier de ressources minérales et pétrolières,
entre autres.
Pourquoi la Bolivie est tout aussi impatiente que le
Chili et le Pérou à connaitre la décision ?
La Bolivie observe de
près les procédures légales en cours. Cette dernière prévoit d’ailleurs de
faire appel à la CIJ afin d’obtenir un accès à l’océan, accès perdu lors de la
guerre du Pacifique qui, de 1879 à 1881, l’opposa au Chili. La décision de La
Haye pourrait, en effet, représenter un fort encouragement à la volonté
bolivienne de régler cette question de longue date par la voie diplomatique. Et
le Chili n’en finira pas avec les procédures judiciaires !
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